La 35ème soirée des Césars permit à chacun de faire le bilan de la cuvée cinématographique 2009 et de dresser son propre Top 10.
En compétition, une dizaine de films. Deux favoris : Le Prophète de Jacques Audiard et A l'origine de Xavier Giannoli. D'autres tout aussi somptueux : Le Concert de Radu Milhaileanu, Les Herbes folles de Resnais, Welcome de Philippe Lioret, Rapt de Lucas Belvaux et La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld.
Avec des nommés de cette qualité, le résultat s'annonçait serré.
Alors que Laura Smet donnait le coup d'envoi en offrant le premier trophée, la révélation masculine, à Tahar Rahim (qui remporta plus tard, en bonus, celui du meilleur acteur), au fil des extraits, des rétrospectives, chacun y allait de sa préférence.
Pourquoi choisir une oeuvre plutôt qu'une autre ? Que ce soit un film, un livre ou une expo. Comme dans toutes rencontres - humaines ou artistiques - il s'agit d'être là, au bon endroit, au bon moment, réceptif, ouvert, disponible. Ce que nous allons adorer un jour, nous pourrons le déprécier le lendemain si nous ne sommes pas d'humeur. Parfois nous choisirons une comédie, plus tard un drame, pour mieux éclairer la complexité du moment.
Ainsi, j'ai d'abord préféré aller voir Le Concert, plutôt que Le Prophète ou Welcome, qui me tentaient pareillement.
Qualifié de comédie, Le Concert affirme la maturité, le talent abouti de son réalisateur Radu Milhaileanu. En voici le pitch. A l'époque de Brejnev, en Union soviétique, Andrei Filipov, chef d'orchestre prestigieux, dirige l’Orchestre du Bolchoï. Après avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs, il est licencié en pleine gloire. Trente ans plus tard, il travaille toujours au Bolchoï mais… comme homme de ménage.
Un soir, Andrei trouve un fax adressé à la direction du Bolchoï: le Théâtre du Châtelet invite l'orchestre à venir jouer à Paris. Andrei suggère alors à son ancienne formation dont chaque membre vit désormais de petits boulots, de partir pour Paris, de se faire passer pour le Bolchoï et d’interpréter le Concerto pour violon & orchestre de Tchaïkovski. Un départ qui va amener une surenchère de gags, de moments d’émotion(s), de joie, de tendresse.
( www.obiwi.fr/ecrans/cine/84957-top-obiwi-2009-radu-mihaileanu-le-realisateur-de-va-vis-et-deviens-et-du-concert )
Quant au César du film étranger, je ne suis donc pas surprise du triomphe de Gran Torino, décidemment un bon crû. Mais ni plus ni moins que les précédentes oeuvres de son réalisateur. Dans chaque long métrage, Eastwood livre son âme en profondeur, il ne craint pas de dire ce qu’il pense. Gran Torino nous touche tout autant que Million Dollar Baby ou L’Échange parce qu’il fait référence à des points qui nous touchent tous, parce qu’il traite d’un sujet auquel on peut s’identifier. Dans L’Échange, il parle d’une mère courage. Dans Gran Torino, de la vieillesse, des conflits de générations, de l’intérêt monétaire qui en découle et en toile de fond le racisme et la guerre des gangs. Tout cela sans complaisance ni dentelles. Il creuse là où ça fait mal. Pour faire réfléchir sur nos comportements. Pour sans doute faire avancer notre conscience humaine.
( www.obiwi.fr/ecrans/cine/81107-une-actualite-mais-deja-un-classique-gran-torino )
Au cours de l'année, en bonne "addict-movies", je dévorais avec le même appétit le Gainsbourg de Joann Sfar et Liberté, de Tony Gatlif. Hors compétition, objecterez-vous. Certes ! Mais comme par hasard, Tony Gatlif, le voyageur par excellence remit au fils du grand Clint le César attribué.
( www.obiwi.fr/ecrans/cine/85180-a-propos-de-gainsbourg-le-reinventeur-de-musique-et-du-film-qui-l-immortalise )
( www.obiwi.fr/ecrans/cine/85591-liberte-le-chef-d-oeuvre-tzigane-de-tony-gatlif )
Ce n'est pas pour rien que l'on compare cette cérémonie à une grande messe. Et ce ne sont pas les magazines People qui me démentiront après publié les clichés de la belle Laetitia Casta, remarquable dans une robe transparente, aussi éblouissante en représentaton que dans son interprétation de Bardot pour immortaliser la romance de celle-ci avec l'Homme à la tête de chou.
Inutile de refaire le palmarès que chacun connait désormais.
( www.lescesarducinema.com/#home )
Le Prophète a tout remporté ou presque. Le Prophète a tout remporté mais n'a pas éclipsé les autres, et ce, par la volonté, la modestie et la pudeur de son réalisateur et de ses acteurs presque troublés d'être ainsi couronnés face à ces autres lauréats qui avaient tous, eux-aussi, commis un chef d'oeuvre.
Alors, outre des superlatifs, que devons-nous en déduire ?
Une leçon d'humanité ! C'est en effet le point commun de tous les films cités.
Même le conte sur Gainsbourg, mené par un réalisateur qui s'est senti investi par les fantômes dont il a dépeint l'existence, a réussi son pari, simplement parce que cet auteur a eu un regard de compassion pour son sujet.
Dans un monde austère, seule une espérance qui se veut plus forte que l'énergie du désespoir éveille en chaque être, au-delà du sentiment de survie, sa part d'humanité la meilleure.
Banissant tout dogmatisme, la beauté de la production cinématographique évaluée lors de cette 35ème cérémonie des Césars vient du fait que, pour se sortir de l'impasse, elle en appelle à la dignité humaine.